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Le Code Pénal de 1810 n'était destiné qu'aux personnes physiques. Mais au vu de la délinquance grandissante des personnes morales, la tradition a été bouleversée par le nouveau Code Pénal qui énonce dans son article 121-2 que "les personnes morales sont responsables dans les cas prévus par la loi et les règlements des infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants".


Selon le principe de la non-application des lois pénales plus sévères, l'ancien Code Pénal continue de s'appliquer aux infractions commises avant le 1er mars 1994 (date d'entrée en vigueur du nouveau Code) et aux procédures en cours.

 

Quelles sont dès lors les conditions de mise en ½uvre de la responsabilité pénale des personnes morales?

1. être dans le champ d'application des personnes morales concernées:

·         une personne morale de droit privé à but lucratif (société civile ou commerciale, GIE…)

·         une personne morale de droit privé à but non lucratif (associations, partis ou groupements politiques, syndicats, institutions représentatives du personnel…)

·         une personne morale de droit public, à l'exception de l'Etat, dans la limite des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de convention de délégation de service public pour les collectivités territoriales et leurs groupements.

2. Que l'infraction ait été commise pour le compte de la personne morale.

·         elle doit avoir procuré un profit à la personne morale.

·         elle doit avoir servi ses intérêts.

3. Que l'infraction ait été commise par les organes ou représentants de la personne morale. (JO, Débats, AN, 22.11.1993, p4170)

·         organes et représentants légaux ou statutaires de la personne morale (assemblée générale, conseil d'administration, PDG, gérant, conseil municipal, maire…)

·         dirigeant de fait, au cas où le dirigeant de droit n'est qu'un prête nom.

4. Sans une nécessaire volonté délibérée.

·         une simple négligence suffit, comme une imprudence !


Ainsi, la responsabilité pénale des personnes morales est une responsabilité SPECIALE, mais pas spécifique. En effet, on appliquera certaines infractions relatives aux personnes physiques et qui commis par un organe ou représentant aura procuré un profit à la personne morale ou aura servi ses intérêts. A l'inverse, certaines infractions relatives aux personnes physiques ne procureront aucun intérêt à la personne morale et cette dernière ne se verra donc pas réprimée (exemple: un attentat à la pudeur commis par un dirigeant!).

Aussi, selon cette idée, ce ne sera qu'après avoir constaté la réunion d'une infraction sur la tête d'une personne physique que les tribunaux devront se demander si l'infraction peut être imputée ou non à la personne morale. On dit alors que la responsabilité de la personne morale se fait par le "ricochet" de la faute de son agent!

Mais ne peut-on pas uniquement engager la responsabilité de la personne morale, sans engager celle de la personne physique?

Faut-il que la personne physique représentante soit sanctionnée pour que la personne morale le soit à son tour?

La responsabilité de la personne morale est-elle exclusive de celle du dirigeant de l'entreprise?

Quand est-il des infractions d'omission: selon l'art. 121-3 du nouveau Code Pénal: "il y a délit en cas d'imprudence, de négligence, et de mise en danger délibérée de la personne d'autrui". Par ailleurs, le Code dispose que ces infractions d'imprudence peuvent être imputées aux personnes morales dans les conditions de l'article L212-2 (Art. 221-7, 220-20 et 223-2 du nouveau Code Pénal).

Quelles sont dès lors les incidences d'une recrudescence des délégations de pouvoirs des organes ou représentants de personne morale sur la responsabilité de ces dernières?


I. La responsabilité d'une personne morale du fait de ses agents.

Faute de jurisprudence, les premiers interprètes en sont réduits à l'art. 121-2 alinéa 1. Mais dès lors, quelles est la définition d'un organe ou d'un représentant? Que signifie "pour le compte de la personne morale"? Quelles sont les infractions qui peuvent être commises pour le compte de la personne morale?


A. Les agents en question.

1. Les organes

·         LES ORGANES DE DROIT.

Pour les sociétés, les organes sont le gérant, le président du conseil d'administration, le conseil d'administration ou le directoire, le conseil de surveillance, les directeurs généraux, les assemblées ordinaires et extraordinaires.


Il convient de signaler, que des organes statutaires non prévus par la loi tels que le conseil de surveillance d'une SARL ou les comités de direction peuvent être considérés comme des organes au sens de l'art. 121-2, de même que les organes temporaires tels que le liquidateur ou l'administrateur provisoire.

Ce que l'on constate dans le cadre d'une décision collective prise en assemblée par exemple ou par un autre organe de gestion, c'est que c'est bien par cette décision collective de l'organe que l'infraction est constituée et non pas par une infraction préalable d'une personne physique. (Droit et Patrimoine, janvier 1996, Yves Sexer )

·         LES ORGANES DE FAIT.

Deux thèses doctrinales:

1.        les dirigeants de fait peuvent engager la responsabilité pénale de la personne morale car il serait trop simple de placer des prête-noms à la tête d'une personne morale pour faire échapper une personne morale aux poursuites pénales (Thèse de Delmas-Marty)

2.        on ne peut engager la responsabilité pénale de la personne morale car cette dernière fait plutôt figure de victime que de coupable et que l'article 121-2 doit s'entendre de manière restrictive et ne concerne donc que les organes et représentants de droit de la personne morale (Thèse de Merle, Vitu et Barbieri)

·         LES ORGANES AGISSANT EN DEHORS DE SES ATTRIBUTIONS STATUTAIRES.

L'article 131-39 du nouveau Code Pénal prévoit la possibilité de prononcer la dissolution de la personne morale lorsque celle-ci a été détournée de son objet pour commettre une infraction. Le détournement implique dès lors un dépassement d'attribution des organes qui sont tenus d'agir conformément à l'objet social. (Desportes et Le Gunehec, RJS 1993, p483)


2. Les représentants.

Deux thèses doctrinales:

1.        le représentant est le représentant légal. (Thèse de Barbieri)

2.        Le représentant est celui à qui la personne morale a donné mandat d'agir à sa place dans la vie juridique. En effet, car si on définit le représentant comme un représentant légal, il s'agirait d'un organe de la personne morale et donc quel aurait été l'intérêt du législateur de distinguer les deux notions dans l'article 121-2 du nouveau Code Pénal. (Thèse de Delmas-Marty et Couret)

C'est cette deuxième thèse qui prévaut en jurisprudence car en effet, sous peine de vider la réforme de sa substance, il serait difficile de restreindre la notion de représentant sous réserve d'une interprétation stricte du droit pénal. L'objectif originel de la réforme était d'instaurer une répression plus juste et une meilleure indemnisation des victimes en ce sens que la personne morale était généralement plus solvable que la personne civile incriminée.


3. Pour le compte.

A la quasi-unanimité, la doctrine a affirmé que l'article 121-2 du nouveau Code Pénal posait des conditions cumulatives dans sa phrase "pour le compte, par leurs organes ou représentants" (Ducouloux-Favart, P. Affiches, 7.04.1993, n°42, p7)

Ceci permet dès lors d'écarter la responsabilité des personnes morales pour les infractions commises pour leur compte propre, par des organes ou représentants, et ce même dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions (cas du détournement de sacs de billets par des convoyeurs de fonds ) et encore plus de celles commises indépendamment de leurs fonctions. (cas du crime passionnel)


B. Les infractions qui peuvent être commises pour le compte de la personne morale.

·         LES INFRACTIONS A SON PROFIT.

Il convient de se référer alors à l'ensemble de l'étude envisagée précédemment et on peut citer par exemple toutes les infractions de contrefaçons, d'atteinte aux personnes, de corruption, de non-respect de ses obligations…

·         LES INFRACTIONS QUI NE SE REFERENT PAS A LA NOTION DE PROFIT.

En principe, on doit se référer à la notion de profit que la personne morale a pu tirer de l'infraction, néanmoins, il arrive parfois que des infractions résistent à la notion de profit! Ainsi, l'exhibition d'uniformes, insignes, ou emblèmes rappelant des organisations ou personnes responsables de crime contre l'humanité a l'intérieur même de l'entreprise, peut être reprochée à la personne morale bien qu'elle ne lui procure aucun profit.

Ainsi, il paraît possible de retenir la formule de Desportes et Le Gunehec selon laquelle une "infraction est commise pour le compte de la personne morale quand elle l'a été dans l'exercice d'activités ayant pour objet d'assurer l'organisation, le fonctionnement ou les objectifs du groupement doté de la personnalité morale".

·         LES INFRACTIONS PAR OMISSION.

Les principales infractions concernées sont les délits d'homicide et coups et blessures involontaires, le délit de risque de mort causé à autrui, les contraventions pour atteinte involontaire à l'intégrité de la personne; et cela généralement dans le cadre du non-respect des obligations relatives à l'entreprise. De même, entre dans cette catégorie les infractions en matière de pollution que la loi d'adaptation du 16.12.1992 a rendues imputables aux personnes morales.

Il convient d'évoquer alors le problème majeur de la responsabilité de la personne morale: son autonomie face à la responsabilité de la personne physique. En effet, par principe, pour engager la responsabilité de la personne morale, il faut qu'une infraction ait été commise pour son compte par un de ses organes ou représentants et donc que la responsabilité de cet organe ou représentant soit engagée.

En matière d'infraction par omission, la solution est différente! Une circulaire générale du 14.05.1993 vient dire que "dans certaines hypothèses, et tout particulièrement s'il s'agit d'infractions d'omission, de négligence ou matérielles, qui sont constituées en l'absence soit d'intention de délictueuse, soit d'un acte matériel de commission, la responsabilité pénale d'une personne morale pourra être engagée alors même que n'aura pas été établie la responsabilité pénale d'une personne physique. En effet, ces infractions auront pu être commises par les organes collectifs de la personne morale, sans qu'il soit possible de découvrir le rôle de chacun de leurs membres et d'imputer la responsabilité personnelle de l'infraction à un individu déterminé".

Ainsi, il y aura autonomie de la responsabilité de la personne morale uniquement dans le cas d'une infraction par omission, non relative au respect d'une obligation légale, commise par un organe collectif, sans n'avoir pu imputer l'infraction à un responsable déterminé! (Droit et patrimoine, 1996, Yves Sexer, Les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales).


II. Le cas spécifique des délégations de pouvoirs.

Ces dernières années, des dispositions législatives tout à fait contradictoire en apparence, tendaient à circonscrire la responsabilité pénale des personnes physiques en cas d'infraction par imprudence (loi n°96-393 du 13 mai 1996) en même temps qu'était mise en ½uvre progressivement la réforme de la responsabilité des personnes morales. Par ailleurs la pratique de la délégation, surtout en matière de sécurité, s'est multipliée.

Ainsi, la responsabilité pénale dans l'entreprise s'apprécie de manière directe en poursuivant les collaborateurs ou le chef d'entreprise, coupables par négligence ou par intention, même si d'autres collaborateurs sont mis en cause par délégation. Elle s'apprécie également de manière indirecte lorsque la délégation est le moyen d'identifier la personne poursuivie ou lorsque la personne morale est poursuivie une fois l'infraction identifiée dans l'entreprise.


A. La recherche de la responsabilité personnelle directe.

1. La recherche de la responsabilité

Selon la loi du 13 mai 1996, il y a délit "lorsque la loi le prévoit, et en cas d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité, prévue par la loi ou les règlements, sauf si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences, ainsi que des pouvoirs ou des moyens dont il disposait".

Le fait de relever l'absence de diligences normales n'est pas une étude d'un fait justificatif, mais une méthode pour vérifier la participation personnelle à l'infraction et apprécier la faute de manière concrète. Ainsi, la Cour de Cassation recherche la responsabilité personnelle des chefs d'administrations qui n'ont pas fait respecter les règles de sécurité ou, plutôt, n'ont pas effectué les diligences normales pour les faire respecter.

Néanmoins, la responsabilité du dirigeant est-elle atténuée lorsque d'autres systèmes de mise en cause comme la délégation ou la responsabilité pénale des personnes morales sont concomitamment invoqués? (P. Affiches, 9.12.1999, Coffy de Boisdeffre, évolution jurisprudentielle quant à la détermination des personnes responsables dans l'entreprise).


2. La recherche de la responsabilité du chef d'entreprise, concomitamment à celle du délégataire et à celle de la personne morale.

La recherche de la responsabilité en fonction de l'intention criminelle de l'organe dirigeant est effectuée par les juges, et l'élément personnel et intentionnel est une condition de la constitution de l'infraction qui déclenchera la poursuite contre la personne morale. Pour la Haute Cour de Justice, la responsabilité pour faute de négligence doit être retenue et motivée de la même manière que pour un chef d'entreprise ordinaire sans délégation


B. La responsabilité indirecte.

La délégation pénale est une responsabilité de pouvoirs sans que particulièrement on s'assure que l'intéressé ait été impliqué directement dans la commission du délit. Aussi, la délégation pénale voit encore son rôle s'accroître dans la chaîne de pénalisation des collaborateurs de l'entreprise.

1. L'accroissement en quantité du système de délégation pénale.

L'extension en quantité des cas où la délégation est retenue caractérise la jurisprudence de ces dernières années et correspond à l'accroissement du nombre des délégations qui sont données le plus souvent dans les grandes entreprises à chaque stade hiérarchique. Ainsi, le président délègue au directeur général, qui délègue aux chefs d'établissements (Cass Crim, 30.10.1996, RJDA, 3/97, n°641).

Mais qu'est-ce que la délégation? La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation vient préciser que le "titulaire d'une délégation doit être pourvu comme tel, de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission" (Cass Crim, 3.12.1997, Bull n°413) Le problème est que beaucoup de cadres se font condamner alors qu'il s ne possédaient pas les pouvoirs, disciplinaires ou budgétaires par exemples, pour assurer leur délégation!

Aussi, devant la multiplicité des coupables en puissance, la responsabilité pénale deviendra plutôt collective, d'où l'intérêt de l'institution de la responsabilité pénale des personnes morales, qui est une responsabilité indirecte liée à la constatation de l'infraction de l'entreprise.

2. La responsabilité pénale de la personne morale retenue après celle des personnes physiques.

Il faut un texte particulier incriminant la personne morale pour que l'infraction lui soit applicable en vertu du principe de légalité des délits et des peines. Ainsi, l'infraction doit exister en dehors de la personne morale, qui ne peut commettre par elle-même des infractions. Néanmoins, l'auteur doit-il en être identifié et pénalement responsable? La Cour de Cassation vient implicitement dire que dans la majorité des poursuites, le juge d'instruction sera obligé de mettre en cause la personne physique qui a commis l'infraction pour que la personne morale soit à son tour sanctionné (Cass Crim, 2.12.1997, Bull n°408).

Toutefois, il convient de remarquer que certaines solutions en matière de responsabilité pénale sont encore à apporter. En effet, la poursuite d'une personne morale pourra t-elle se transmettre, si la personne morale a disparu à la suite par exemple d'une fusion absorption? Que se passera t-il en cas de multiplication de délégataires, collectivement responsables? L'embarras d'atteindre dans la répression pénale, les bonnes personnes ne risque que de croître! (P. Affiches, 9.12.1999, Coffy de Boisdeffre, évolution jurisprudentielle quant à la détermination des personnes responsables dans l'entreprise)


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